Tandis qu’il est encore temps, agissons contre la guerre

mis en ligne le 10 janvier 1991
En un temps où se voit de nouveau menacée la sécurité des peuples, la logique impose de chercher les causes de ce genre de conflit. Tout d'abord observer que, dans notre société basée sur le profit, la crise du Golfe n'est qu'un épisode des rivalités permanentes des États et affairistes capitalistes (multinationales en tête) qui se disputent les sources d’énergie et les débouchés sur terre et sur mer. Et l’on a vu trop souvent dans le passé que ces guerres économiques aboutissaient parfois à des affrontements combien meurtriers.
Or, dans le cas de l'occupation du Koweït, on sait que c'était là, depuis de nombreuses années, l'objectif du sinistre mégalomane Saddam Hussein. Lequel, obsédé de puissance réclamait pour son pétrole l'accès à la mer. On sait aussi que dès juillet, les avions espions américains avaient observé des mouvements de troupes irakiennes le long de la frontière koweïtienne. On savait donc, côté USA, à quoi s'en tenir sur les intentions du dictateur irakien.
D'autre part, on a pu lire dans le Figaro Magazine du 4 décembre, sous le titre interrogatif « Qui a déclenché la guerre du Golfe ? », un article qui éclaire d'un jour nouveau les responsabilités de ce conflit. On nous signale, en effet, que deux auteurs d'un livre Guerre du Golfe y dénoncent la maladresse de la CIA américaine et du secrétariat d’État qui, dès le 30 juillet, transmettaient à Saddam Hussein, je cite : « un signal qui pouvait se traduire par une garantie de non-intervention des États-Unis. » Trois jours plus tard, l'Irak envahissait le Koweït. Ainsi, si cela est exact, et sans vouloir légitimer la solution de force appliquée par Saddam Hussein, on peut comprendre que celui-ci pouvait se prévaloir de la tolérance dont avaient bénéficié les auteurs des précédentes occupations territoriales : Israël en Cisjordanie et à Gaza, la Syrie au Liban, l'URSS en Afghanistan, les USA au Panama, etc. Il pouvait escompter encourir pour le moins un blâme des instances internationales et en tout cas se trouver en position de force pour négocier le libre accès à la mer pour son pétrole.
En définitive, une question se pose : s'il ne s'agit là que d'un tragique malentendu diplomatique, cela vaut-il qu'on en arrive à lancer des masses humaines les unes contre les autres avec pour plus clair résultat de nouvelles hécatombes ?
Bref, dans ce climat d'incertitude la plus complète sur l'issue de la crise se révèle l'interdépendance des pays du globe par son retentissement sur l'économie mondiale. C'est partout le doute dans les esprits, l'attentisme et le ralentissement de l'activité économique. Indépendamment de la flambée des prix pétroliers, la crise risque de freiner les investissements et d'accroître le chômage. Certaines industries d'exportation entrent en récession, sans compter la spéculation boursière et la déprime des marchés financiers.
Face à un tel état de choses dont le danger grandit de jour en jour au fur et à mesure qu'on se rapproche de la date fixée par l'ONU pour l'évacuation du Koweït, on doit reconnaître que les réactions ne se sont pas faites attendre de la part de certaines organisations et personnalités pour lancer un cri d'alarme et alerter l'opinion. Des pétitions, meetings et manifestations ont suivi s'élevant contre les solutions de force et réclamant le retrait des troupes envoyées dans le Golfe. On aurait pu attendre qu'en la circonstance les organisations syndicales, dont la vocation, outre la défense et l'amélioration des conditions de vie, est la lutte contre la guerre et l'oppression cessent leurs divergences pour faire bloc et amplifier le courant pacifiste tant sur le plan national qu'international.
Hélas, il n'en a rien été et se vérifie une fois de plus que l'internationalisme prolétarien n'est trop souvent qu'un lointain souvenir.
Comme quoi, en l'occurrence, s'il ne nous est pas interdit de rêver, il convient de ne pas se bercer d'illusions, nous ne ferons encore qu'un « baroud d'honneur », comme par le passé, lors de problèmes du même ordre.
Il n'en reste pas moins que la poudrière que recèle le Moyen-Orient restera à tout instant explosive tant que ne sera pas réglé l'ensemble des problèmes de la région.
Mais cela est une autre histoire que nous réserve l'avenir.

Nicolas Faucier