Eurosarkozy 2010 : salon du prêt-à-tuer

mis en ligne le 28 juin 2010
Les profiteurs de guerre se sont rassemblés du 14 au 18 juin 2010 à Eurosatory, la « semaine internationale de la défense, terrestre, aéroterrestre et de sécurité ». Ce salon officiel du commerce des armes se tient tous les deux ans au parc des expositions de Paris-Nord, à Villepinte (Seine-Saint-Denis), avec pour slogan en 2010 : « Préparer la défense du futur ».
Le mardi 15 juin, pendant que mille marchands d’armes festoyaient à l’Hôtel national des Invalides, les résistants à la guerre ont montré leur opposition totale à ce business de la mort et des massacres de masse. La préfecture de police de Paris, atteinte de crise de paranoïa aiguë contre les désarmants partisans de l’abolition des armes, n’avait autorisé la protestation qu’au Mur de la paix (au métro École-Militaire [sic], soit à six cents mètres du banquet, probablement la distance minimale estimée utile à la décontamination contre les radiations du pacifisme). Difficile d’y voir une délicate attention des responsables de la circulation : cependant, il est sûr que si le rassemblement du collectif « Fermons Eurosatory » avait eu lieu, comme initialement prévu, sur l’esplanade des Invalides, les cinquante manifestants auraient été indisposés par les rots bruyants et les concours de pets des Lagardère, Dassault et compagnie, tous des charognards à l’estomac coriace.
Selon la pub officielle, Eurosatory 2010 vantait « l’accès à tous les marchés de la défense et de la sécurité, des rencontres et des échanges entre professionnels de l’armement, la possibilité de voir de nouveaux produits et des nouveaux systèmes d’armement et d’assister à des showcases et autres démonstrations dynamiques, un carrefour de réflexion pour préparer la défense et la sécurité du futur ».
S’y sont confraternellement congratulés 120 délégations officielles de gouvernements, 520 VIP dégainant le chéquier et s’extasiant sur tous les gadgets électroniques, 4 500 représentants des forces armées de 86 pays pour les y pousser, 650 journalistes « embarqués » et disposés à faire la promotion de la machine à tuer, le tout sur 140 000 m2 de surfaces d’expositions 1.

Le supermarché de la mort
À Eurosarkozy, même si le VRP en chef des Français est resté terré dans son abri élyséen, les exposants ont soigneusement évité de prononcer le mot « guerre », synonyme de destruction à grande échelle. « Eurosatory : préparons la guerre de demain », ça n’aurait pas été un bon slogan et aurait pu choquer l’humain lambda ! Ne dites jamais que les armes tuent ! Ce qui importe, dans le système Eurosarkozy, c’est que ça rapporte le maximum de fric.
Les comptes à numéros ne servent pas qu’à la grande délinquance financière ou aux triades internationales. Les services secrets de la plupart des gouvernements en ont généralisé l’usage à l’arrosage des intermédiaires et des hommes politiques antipacifistes. Il se trouve là une niche permettant de payer largement plus que les retraites des militaires à 35 ou 45 ans. La politique de rigueur ne s’applique qu’aux plus démunis et non aux plus riches. D’ailleurs, le spectacle de millionnaires en euros tapant dans un ballon a l’air de réjouir les adeptes du suffrage universel, alors qu’ils goûtent chaque jour davantage aux restrictions dues à la pauvreté.
Certaines des armes exposées ont été plébiscitées comme testées sur le terrain, en Palestine, en Afghanistan, en Irak ou en ex-Yougoslavie, pour les indémodables.
Certains vendeurs ou acheteurs d’armes auront pu comprendre comment assassiner des pacifistes grâce à Eurosatory. L’exemple de la flottille de la paix pour Gaza est encore frais dans les circonvolutions des enfumeurs patentés des médias. Pourtant, aucun ne s’est risqué à déplaire aux corrupteurs du secteur de l’armement, qui sont souvent les actionnaires majoritaires des usines à propager la violence.
Assassiner des civils désarmés n’a-t-il pas toujours été le moyen le plus rapide pour les militaires de se couvrir de gloire ? Les épopées coloniales en témoignent. Les exploits des troupes tricolores dans la Françafric permettent encore de nos jours aux nazis de se défouler en toute impunité.

Pas de salon sans réception officielle
Après de dures journées passées à déambuler entre hélicoptères et véhicules blindés, roquettes et drones, à assister aux démonstrations statiques, dynamiques ou technologiques, la fameuse réception officielle, aux frais de la Ve République, était particulièrement attendue. Les discussions se sont poursuivies entre coupes de champagne et petits fours. Le cadre du Musée des armées a contribué à la décontraction au sein de ces bandes criminelles. Ne les laissons pas s’empiffrer en juin 2012, sans que notre présence ne leur rappelle que leurs affaires et leurs bénéfices se font à l’encontre des populations civiles que les guerres déciment, appauvrissent, forcent à l’exil.
Les actions du plus antimilitariste d’entre les libertaires, Louis Lecoin, décédé le 23 juin 1971, n’ont pas été oubliées. Le port des armes ne sert qu’aux assassins et aux militaristes. Pourquoi ne pas condamner le fabricant et le marchand d’arme au même titre que la ganache qui appuie sur la gâchette ?

René Burget

1. Voir Union pacifiste, BP 40196, 75624, Paris Cedex 13.