La FAU-Berlin privée de droit syndical : appel urgent à la solidarité internationale

mis en ligne le 28 janvier 2010
1580Berlin
Le contexte

La FAU-B et son groupe, à l’intérieur du cinéma Babylon, se battent pour un contrat de travail depuis le début de juin 2009. Bien que le cinéma Babylon soit subventionné par le gouvernement, les salaires y sont misérables et les droits des travailleurs ignorés. Une grande partie du personnel du cinéma est syndiquée à la FAU-B. Ceci est le premier conflit du travail significatif pour la relativement petite FAU-B. Il a provoqué du tapage non seulement à Berlin, mais dans toute l’Allemagne. Des anarcho-syndicalistes dans un conflit du travail, un boycott suivi qui a été bien relayé par les médias, des revendications complètes et innovantes, et l’implication des travailleurs eux-mêmes (ce qui est rare en Allemagne), ont fait impression auprès du public. Quand la pression a atteint son point culminant, et que les patrons n’ont pas pu éviter plus longtemps d’entamer des négociations, non seulement les politiciens sont intervenus, mais ver.di (un gros syndicat allemand, membre de la DGB, organisation parapluie des syndicats majoritaires) s’est accaparée la négociation avec les patrons, bien qu’ils n’aient quasiment aucun membre parmi le personnel du cinéma et aucun mandat de ceux-ci. Les travailleurs, sidérés, ont été exclus des négociations.
Apparemment, un accord a été conclu entre ver.di, les politiciens et les patrons pour se débarrasser de la FAU-B et calmer le jeu au cinéma. Mais le personnel et la FAU ont refusé d’être bâillonnés. Neue Babylon GmbH a réagi en musclant la partie légale, et ver.di en essayant de salir l’image de la FAU. D’abord, le boycott – une des principales formes de pression pour la FAU-B – a été interdit, et on a semé le doute sur la capacité de la FAU-B de négocier des contrats (en Allemagne, c’est un prérequis pour pouvoir légalement entamer une action collective). En même temps, d’autres procès ont été intentés contre la FAU-B concernant la liberté d’expression. Mais la FAU-B n’a pas reculé. Cela a mené à cette dernière décision de justice, qui essentiellement interdit la FAU en tant que syndicat.

La situation en Allemagne
Il y a longtemps que la FAU Berlin dit que ce conflit du travail – aussi petit soit-il – n’est pas seulement une question de meilleures conditions de travail, mais aussi une question de liberté d’association. Il y a peu de tradition de syndicalisme militant en Allemagne depuis 1933. L’organisation parapluie DGB détient en pratique un monopole corporatiste qui est confirmé par les décisions de justice. Cela rend très difficile le développement de syndicats alternatifs. L’auto-organisation et la décentralisation à l’intérieur des syndicats allemands ne sont pas encouragées et ne bénéficient pas de protection légale.
La modeste action collective de la FAU-B a démontré qu’un syndicalisme alternatif est possible en Allemagne. Les gros syndicats et les politiciens, apparemment effrayés à l’idée que cette forme d’organisation se propage comme le feu, sont mécontents de ce développement. C’est dans ce contexte que le syndicat de la FAU-B a été interdit. La décision du tribunal implique l’impossibilité de créer un syndicat légalement reconnu en Allemagne parce que – paradoxalement – vous devez être un syndicat légalement reconnu pour le devenir. Un syndicat qui entreprend une action collective sans être reconnu officiellement peut s’attendre à de sévères conséquences juridiques. La FAU-B n’est nulle part autorisée à travailler légalement en tant que syndicat. Les anarcho-syndicalistes se voient donc interdits une fois de plus après leur prohibition de 1914 et 1933.
Cette décision judiciaire est particulièrement scandaleuse parce qu’elle a été prise arbitrairement via une procédure sommaire, sans aucune audition – la FAU-B n’a pas eu le droit de donner son point de vue. Cela a peut-être à voir avec le fait que n’importe qui en Allemagne peut se déclarer légalement en tant que syndicat, et que les autorités judiciaires voulaient en décider unilatéralement. L’Allemagne a adopté quelques conventions de l’Organisation internationale du travail, mais elles n’ont que peu de sens ici parce que les grands syndicats coopèrent étroitement avec les patrons et décident de ce à quoi un syndicat doit ressembler. Les syndicalistes avaient plus de droits sous l’Empire au XIXe siècle et dans les années 1920. La situation en Allemagne rappelle par exemple celle de la Turquie, où les syndicats sont souvent interdits.
La décision du tribunal sera peut-être renversée. Mais la FAU-B reste réaliste : tout est possible. Le copinage politique est répandu et les pouvoirs en place feront d’autres tentatives pour bloquer la croissance des syndicats alternatifs.

Conséquences
Les conséquences de la décision du tribunal sont multiples et seront catastrophiques, à moins que cette décision ne soit annulée. Une interdiction totale de la FAU-B en tant que syndicat aurait un effet similaire. La décision concernant la FAU est essentiellement applicable à la FAU à travers toute l’Allemagne. Comme elle fera jurisprudence, elle affectera le mouvement syndicaliste dans son ensemble et les droits des travailleurs. Quelle que soit la forme prise par un syndicat alternatif en Allemagne, ce précédent le rendra impuissant à l’avenir. Ce procès est une nouveauté dans le domaine du cassage de syndicat à l’allemande. Cette décision autorise les patrons à négocier avec le syndicat de leur choix et de définir ce qu’est un syndicat. L’auto-organisation des travailleurs – que ce soit au cinéma Babylon ou ailleurs – a été bloquée et le muselage institutionnel de la classe ouvrière a été intensifié. Il faut en blâmer en partie le manque de solidarité manifesté par ver.di au travers de leur intervention. Cette décision judiciaire peut même être dans leur intérêt direct, puisque ver.di a déjà écrit qu’ils considéraient la FAU-B comme une concurrence contre laquelle il fallait qu’ils réagissent.

Solidarité !
La bataille pour la liberté syndicale en Allemagne a commencé. Chaque petit morceau de solidarité est nécessaire. Faites apparaître ce scandale au grand jour, protestez en face des institutions allemandes, réclamez que la décision soit annulée et que la FAU devienne un syndicat de plein droit !
S’il vous plaît, aidez-nous si vous le pouvez. Vos idées sont bienvenues, mais voici quelques suggestions :
Protestez devant les missions diplomatiques allemandes (ambassades, consulats) ou les autres institutions représentant l’État allemand.
Envoyez des lettres de protestation à l’ambassage d’Allemagne de votre pays (avec copie à la direction du cinéma Babylon Mitte).
Envoyez des fax de protestation au responsable du tribunal de Berlin. Vous trouverez des informations utiles sur <fau. org/verbot> dès que nous aurons pu les mettre en ligne. Ces informations comprennent une liste des missions diplomatiques allemandes, des liens vers d’autres institutions intéressantes, des modèles de lettres de protestation et les contacts nécessaires.
Après les manifestations du samedi 19 décembre 2009, nous apprécierions que vous puissiez agir vraiment rapidement.
Un aspect important : il est possible que la décision du tribunal soit annulée par des moyens légaux. Mais nous ne pouvons pas nous reposer sur cet espoir. Le simple fait que l’interdiction de notre syndicat ait été prononcée si facilement (même si nous avons le droit de faire appel) exige une réponse claire. D’autant plus que ce procès est symptomatique de nos droits de travailleurs en Allemagne.

Traduction par les Relations Internationales de la Fédération anarchiste.



COMMENTAIRES ARCHIVÉS


GroupesFA

le 11 juin 2010
Salut à tous,
Pour votre information, vous qui avez soutenu la lutte de la FAU Berlin et pour la liberté syndicale en Allemagne : depuis hier le syndicat anarcho-syndicaliste berlinois peut affirmer d'être un syndicat. Ce n'est pas le paradis sur terre, mais une première étape a été franchie.
« Hier, le 10 juin 2010, la Cours de cassation berlinoise a levée l’interdiction à la FAU Berlin de se nommer syndicat ou syndicat de base. Les juges ont souligné l’importance du droit fondamental de la liberté d’expression. La FAU Berlin remercie tous les organisations et personnes qui à un moment ou à un autre ont envoyé messages de soutiens à la FAU et ont fait des actions de solidarité. »
Plus d'infos sur : www.cnt-f.org/international/spip.php?article489
Vive la solidarité internationale !

Andreas, pour le GT Europe au SI de la CNT-F