TOTAL : les flics étaient là

mis en ligne le 18 mars 2010
Lundi 8 mars, sur le parvis de la Défense, sous le soleil mais avec un vent polaire. On se retrouve place Michelet, là où se dresse l’une des tours Total et où se tient le CCE concernant l’avenir de la raffinerie des Flandres. Il y a 500 à 600 manifestants (300 selon la police). Moitié moins qu’à la manif précédente qui rassemblait un bon millier de personnes. Des flics partout, déjà déguisés en robocop, avec flash-ball et qui prennent en photo et vidéo tous les manifestants. Cette manifestation a lieu à l’appel de l’intersyndicale CGT-FO-SUD de Total, ainsi qu’à celui de Convergence des luttes, qui comptait tellement de signataires qu’on se doutait qu’il y aurait moins de monde (c’est souvent inversement proportionnel au nombre d’organisations qui ont signé). La manif est très colorée, grâce aux militants et drapeaux de Solidaires venus de toutes les fédés. Et même si elle ressemble à un carnaval, avec trompettes et tambours (la majorité des gens viennent de Dunkerque, ça met l’ambiance), ou aux tribunes du stade de Lens (avec slogans qui vont avec : « Total, branleur, on est les raffineurs et on n’a pas peur »), les manifestants sont vraiment en colère et semblent déterminés. Il y a aussi des salariés (ou ex) de Goodyear, Continental et Téléperformance, venus en renfort. La cinquantaine de vigiles qui gardent les entrées de la tour ne sont pas à la fête.
Vers midi, la délégation des élus sort des bâtiments pour annoncer les décisions de la direction du groupe. En fait, rien de neuf. Fermeture de la raffinerie et, pour les salariés, maintien de leurs emplois via la création d’un dépôt, d’un centre de formation et des reclassements. Ce qui dans les chiffres peut paraître du donnant-donnant, mais on voit mal tous ces salariés se transformer en formateurs.
Total n’a tenu aucun compte de l’occupation et du mouvement de grève dans les raffineries. La CGT, en acceptant les premières propositions du 23 février, avait déjà ouvert des portes à la direction. Il ne s’agit pas vraiment d’une « trahison » de la part du syndicat mais plutôt de deux conceptions de la lutte pour l’emploi. Dans un cas, il y a ceux qui se battent, sur place, dos au mur, pour leurs salaires et leurs boulots et d’autres qui, habitués aux discussions dans les bureaux directoriaux, ne conçoivent l’emploi que dans le cadre de « plans » où les syndicats auraient leur mot à dire. D’où l’acceptation de deux tables rondes qui ne serviront à rien.
Quant à la direction de Total, question social, elle n’a jamais fait dans la dentelle. Même si les salariés du groupe ne sont pas les plus maltraités (en France !), Total a toujours fait ce qu’il voulait. Les fermetures programmées, les cessions d’usines ou de filiales se sont toujours faites, même avec des aménagements. Le PDG de Total et son staff restent toujours droit dans leurs bottes, avec comme seule ligne directrice les dividendes. Qu’importe alors les remous sociaux. D’autant que Margerie (le PDG) a une haute idée de lui-même et de sa fonction : il annonçait sans rire à la télé que sa mission consistait, en faisant progresser Total dans le monde, à planter autant de drapeaux français. Une vision colonialiste et impérialiste de sa fonction.
L’arrêt de la raffinerie de Dunkerque répond à une stratégie mondiale, car ce n’est pas la moins rentable du groupe. Les groupes pétroliers, en visant le marché asiatique, ont construit de nouvelles grosses raffineries au Moyen-Orient, mais l’Inde et la Chine consomment moins vite que prévu. En même temps, ces nouvelles raffineries modernes produisent beaucoup plus que les anciennes situées en Europe. En Europe du Nord, dans un périmètre qui s’étend du Havre à l’extrémité de la mer du Nord, il y aurait surcapacité et c’est donc celle de Dunkerque qui en a fait les frais, suite à un accord entre pétroliers. Cela dépasse l’annonce dans la presse de la non-adéquation entre essence sans plomb et gasoil. Outre le fait que la France y perd en indépendance énergétique (comme dirait la CGT), cela va amener à multiplier les supertankers de gasoil, plus nombreux que ceux de pétrole qui s’acheminaient jusqu’alors vers Dunkerque.
Suite à ces annonces, les manifestants ne peuvent en rester là et il est décidé d’aller vers les autres « tours miroirs » symboliques de Total. Le parcours hyperfliqué se fait sans heurts, c’est en arrivant au pied des tours que ça se gâte. Depuis des lustres, c’est devenu une habitude de pénétrer dans le Saint des Saints, d’envahir le hall et les bureaux. « C’est chez nous », scandent les manifestants. Sauf qu’en ce 8 mars, la police est là. Et lorsqu’on entre dans la tour, les flics nous attendent à l’intérieur. Échange de coups, vitres cassées mais surtout gaz lacrymo en plein visage pour certains et gaz pour tout le monde. Et nous qui sommes habitués à respirer des saloperies, ça ne l’a pas fait.
Les flics investissent ensuite le parvis, chassant piétons et manifestants.
Total et l’État ont donc monté la répression d’un cran. Aux salariés de réagir plus fort désormais. Reste que la CGT n’appelle qu’à une nouvelle journée de mobilisation dans l’ensemble des raffineries françaises, le 15 avril, jour de la table ronde sur le raffinage en France avec Borlo (!)