Götterdà¤mmerung

mis en ligne le 24 décembre 2005

Tout ne va pas bien dans le meilleur des mondes des médias. La presse quotidienne, en particulier, a moult difficultés, à part le groupe Amaury (L'Équipe, Le Parisien, Aujourd'hui) Là où la situation est particulièrement grave c'est toujours la région parisienne avec les quotidiens dits nationaux (Le Figaro, France-Soir, L'Humanité, Le Monde, etc.). Ventes en baisse, publicité itou, et, selon l'ex-dirigeant de la Socpresse, Yves de Chaisemartin, les « coûts exorbitants de la fabrication des journaux », c'est-à-dire la présence syndicale des ouvriers du Livre.

Vieille forteresse ouvrière, le Livre CGT a fait depuis des lustres l'objet de nombreuses critiques et attaques. Contrôle de l'embauche, méthodes maffieuses, stalinisme mêlé de réformisme, etc. Les dissensions internes entre métiers, courants politiques et attitudes vis-à- vis de la modernisation ont fait les choux gras de la presse patronale, mais ce qui reste de l'aristocratie ouvrière a toujours eu du mal à présenter à l'opinion publique une image claire de ce qu'elle entendait défendre. Dinosaures attachés à leurs privilèges, hooligans attaquant les camionnettes du groupe Amaury pendant la grève du Parisien libéré (1975-1977), « opposants » à la liberté du travail, les ouvriers du Livre ont été mis à toutes les sauces.

Ce qu'on oublie, c'est l'égalité des salaires, des conditions de travail et la solidarité effective au-delà des conflits internes.(1) Pourquoi tous ces rappels qui ressemblent à un état des lieux avant le grand chambardement ? C'est que justement ce qui faisait la force du syndicalisme dans l'imprimerie n'est plus.

Fortement organisée depuis des siècles, la corporation avait toujours su allier professionnalisme et défense des intérêts ouvriers. En restant unis au-delà des oppositions, ils avaient résisté aux diverses modernisations que le patronat entendait user à son seul profit. Mais la « fée électronique » aura eu raison des vieux métiers du livre. Tout cela n'est bien sûr pas aussi tranché, mais les journalistes syndiqués à la CGT ont-ils dans leur définition de l'espace professionnel des opinions diamétralement opposées à celles des directions techniques des quotidiens ? (2)

Si dans la confection des journaux on parle de plus en plus d'« editors » qui font tout de A à Z, la situation n'est pas plus mirobolante au niveau des machines à imprimer. Pour exemple, l'imprimerie du Monde qui a licencié avant les vacances plus de cent ouvriers.

Ce ne sont pas les nouvelles venant de France-Soir qui vont éclaircir le tableau. Le « seul quotidien vendant plus d'un million d'exemplaires » dans les années 60 a beau avoir changé de propriétaire, son projet rédactionnel reste encore dans le flou.

Au niveau syndical, le problème n'est même plus de consolider l'unité au sein des syndicats du Livre, mais plutôt d'avoir un partenaire patronal ! Au Syndicat de la presse parisienne ne siège plus l'ex-empire Hersant. Et l'on parle de plus en plus d'un plan pour éradiquer ce qui reste du Livre CGT. Et il est peut-être trop tard pour refaire du syndicalisme ?

Sitting Bull