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Dans un sale État
par Yves Giry Louis Janover le 19 juin 2022

Qu’est-ce qui sort des urnes ?

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Élections, piège à cons ! On se rappelle le slogan ravageur de Mai 68 , lancé par les gauchistes de ces temps perdus, pour dénoncer la grande manœuvre de sauvetage du gouvernement Pompidou. Ils avaient mille fois raison, bien qu’ils aient pu dire par la suite qu’il s’agissait d’une erreur. Les élections de 68 étaient faites pour mettre un terme par la voie des urnes aux troubles et aux manifestations destinés à s’attaquer au régime lui-même [note] . Et leur but fut atteint, et tout ce que la bourgeoisie pouvait accorder à la classe ouvrière, elle y consentit, à son propre bénéfice, et ce qui ne pouvait l’être se verra repoussé, et le « terrorisme » et les manifestations sans espérances reviendront au premier rang du mouvement de contestation.

Le même processus et les mêmes procédés se dessinent aujourd’hui, où l’abstention demeure la seule forme de contestation radicale. Les solutions proposées sont destinées à remettre la politique et les modes de représentations démocratiques sur les pieds, alors qu’ils ne cessaient de boiter, et pis encore, depuis la mise à mort par Hollande du PS en particulier et de la gauche en général. Après ces quinquennats où rien ne sera fait pour répondre aux revendications de gauche, il fallait trouver une issue à la grande incertitude laissée par cette tabula rasa. Mélenchon aura atteint l’objectif que le monde politique ne savait plus comment obtenir, toutes les formes d’alliances ayant échoué à réagglomérer la gauche et à éloigner le risque d’éclatement qui menaçait la structure politique même.
Le mouvement des Gilets jaunes avait laissé entrevoir une forme de révolte au-delà du politique, et qui n’épargnait pas l’État, d’où la perplexité des maîtres des partis de gauche experts dans l’art d’exercer le pouvoir. Cette explosion sociale, forme nouvelle de spontanéité révolutionnaire, aura été le signal d’alarme pour les milieux institutionnels sur le danger que représentait le ni gauche-ni droite de Macron, qui avait profité de cette double négation pour ne choisir que la voie de droite. Mais comment réparer le mal, sinon en faisant en sorte que la gauche puisse à nouveau réapparaître dans le jeu politique et présenter une issue positive à cette crise, en offrant un programme acceptable par les différentes variantes de ce courant, et susceptible de réinsérer le mouvement dans le jeu politique. Mélenchon représentait dans son histoire la lignée parfaite, le déroulement dans sa propre expérience de toutes les variantes de la gauche — donc, symbole unique, l’ouverture d’un espace toujours revu et corrigé pour faire place aux nouveaux venus. L’agrégation par les Insoumis de tous les débris des partis de gauche aura rétabli opportunément le balancier gauche-droite, avec l’État comme mécanisme central, et annulé toutes les formes de refus qui ne seraient pas intégrées dans le schéma de la démocratie représentative républicaine.

La ligne de force offre l’image parfaite de la logique des étapes politiques franchies par Mélenchon au cours de son évolution politique, marquée par les noms de partis. Du trotskisme au mélenchonisme, terme inavoué mais incontournable de cette course à la gauche de gouvernement, toutes les variantes de la trajectoire républicaine auront été franchies au gré des étapes politiques marquées par la figure d’un sauveur suprême, Mitterrand restant le référent central, tant pour la personnalité même de l’homme politique, que pour l’union orientée qu’il réussit à faire des gauches. On retrouve au départ de cette longue marche au pouvoir la fiction de ces appels à la rupture avec le capitalisme, dosés à la mesure de sa préservation, et qui réapparaissent aujourd’hui avec une autre tonalité et sur un autre plan. Le rétablissement du clivage gauche-droite va réintroduire les luttes dans la mécanique politique en même temps que le recours à l’étatisation répond à la situation créée par le nouvel équilibre économique en train de s’établir sur fond de guerre. Ainsi à la crise du capitalisme répondent des mesures destinées à acheter la paix sociale au prix de concessions pesées dans la balance nationale des luttes entre partis.

La classe ouvrière désormais absente de ce jeu de pouvoir, ne restent plus que les différentes strates d’une nouvelle petite bourgeoisie intellectuelle et technicienne en voie de constante recomposition, au gré des révolutions technologiques et des besoins de l’accumulation, et voilà le point de convergence, celui présenté par la présence du courant des Insoumis et de l’irrésistible attraction que le pouvoir d’État exerce sur ses chefs.

Ce qui est mis en avant et instrumentalisé comme nouvelle expression d’une gauche radicale est tout au contraire l’expression du système qui veut enfin retrouver son équilibre et qui va ainsi permettre de répondre par voie politique aux revendications et aux révoltes venues de la base. Ni gauche, ni droite ? Retour au contraire à Gauche/Droite !

Élections, piège à cons ? Mais reste toujours à savoir où se situe le piège, et qu’il n’est pas de cons, mais seulement des responsables et des victimes ! La course poursuite politique mène toujours à la même impasse !

Abstention consciente et concertée, seule issue qui permette de ne pas tomber dans le piège des lendemains qui déchantent et d’une désillusion qui fait le lit d’illusions plus graves encore.

Yves Giry
Louis Janover

13 juin 2022


PAR : Yves Giry Louis Janover
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