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par Hélène Hernandez le 12 août 2019

La mort de Camus

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Article extrait du Monde libertaire n°1807 de juin 2019



Albert Camus est mort le 4 janvier 1960, avec Michel Gallimard, son éditeur, qui conduisait la voiture. Banal accident ou crime politique. La réalité dépasse la fiction selon ce que nous lisons du livre de Giovanni Catelli. Nous aurions pu en rester à un accident de la route, parmi les nombreux événements de ces voyages qui ne connaissaient pas l’autoroute, dans les années 50-60, et préféraient les routes bordées de platanes et les bonnes auberges. Après des années de recherches, l’auteur nous propose la thèse d’un meurtre prémédité.

Giovanni Catelli est un universitaire, écrivain italien, visiblement aimant voyager dans les pays de l’Est, y compris pour y donner des leçons de littérature italienne dans les universités de Prague, Bratislava ou Odessa et Kiev. En 2019, nous disposons donc aux éditions Balland d’un texte en français, une traduction de Danielle Dubroca, d’un ouvrage paru en italien en 2013.

Dans son œuvre ou dans ses engagements, Albert Camus a toujours été un homme libre. Mais aussi dangereux, ainsi commence le livre. « Dangereux pour le pouvoir, pour tout pouvoir » tant il dénonçait l’injustice, l’arbitraire, les abus., tant il apportait une critique implacable à l’encontre des anciens collaborateurs, pétainistes ou colonialistes, des staliniens et des puissants en général ; tant il défendait l’être humain par une prise de conscience de l’absurde de la condition humaine mais aussi tant il proposait la révolte comme réponse à l’absurde, pour s’engager dans l’action et donner sens à l’existence. Concilier justice et liberté, lutter contre toutes les violences et les totalitarismes, dénoncer la peine de mort, défendre la paix : aussi s’engagera-t-il auprès des Algériens, contre la bombe atomique, dans la Résistance, contre la peine de mort, prendra la défense des Espagnols exilés antifascistes ou des objecteurs de conscience aux côtés de Louis Lecoin et d’André Breton. En 2013, les éditions Indigène réunissent ses écrits libertaires publiés dans Le Monde libertaire, La Révolution prolétarienne, Solidaridad Obrera, etc.

Si pour lui, « le comble de l’absurdité serait de mourir dans un accident de voiture », voilà que Camus tombe dans cette fatalité. L’accident semblait dû au blocage d’une roue ou à l’éclatement d’un pneu, après plusieurs centaines de kilomètres : les experts ne surent l’expliquer sur une route droite de 9 mètres de large, très peu fréquentée. A moins que la voiture n’ait été trafiquée lors d’un arrêt dans un de ces petits restaurants…

L’argumentation de Catelli est contestée par certains : pourtant il réussit à nous convaincre que Camus aurait été assassiné par le KGB sur ordre du ministre soviétique des affaires étrangères, Dmitri Chepilov. Camus avait violemment dénoncé la répression soviétique de l’insurrection de Budapest de 1956, dans un entretien au New York Times en février 1957, par des articles notamment dans la revue Demain, « Le socialisme des potences », dans le Times, « Un appel pour les écrivains » ou dans le journal Franc-Tireurs, le 18 mars 1957, « Kadar a eu son jour de peur » issu de son discours public à la salle Wagram à Paris trois jours plutôt. « Ce rassemblement de protestation eut un écho dans le monde entier et les paroles de Camus résonneront désormais de façon insupportable pour ceux qui avaient décidé cette intervention militaire ». Catelli utilise la biographie historique écrite par Herbert Lottman, un des premiers biographes de Camus, et part à la recherche d’indices et de preuves qu’il croise au fur et à mesure de son enquête. Ainsi Jan Zabrana, poète tchèque non asservi, laissa à Prague un journal posthume, conservé avec précaution par sa femme, Marie Zabranova. Catelli se rend en Hongrie et la rencontre : fragments du passé et informations précieuses constituent les pièces maîtresses du puzzle. Il ajuste ces éléments avec les divers engagements de Camus, contre la répression sanglante des révoltes de Berlin-Est de juin 1953, pour le soutien à des intellectuels hongrois, comme Pasternak que Camus soutint pour le prix Nobel 1958 : autre camouflet pour le pouvoir soviétique, qui œuvrait de manière clandestine pour qu’aucune traduction russe ne puisse exister du Docteur Jivago et se répandre auprès de la nomenklatura [note] . Camus ne lâchait pas prise malgré les menaces de plus en plus pressantes dès lors.

A quarante-six ans, Albert Camus a été réduit au silence. Saurons-nous un jour la « vérité » ?

Hélène Hernandez
Groupe Pierre Besnard

Giovanni CATELLI, La mort de Camus, Balland, 2019.
PAR : Hélène Hernandez
Groupe Pierre Besnard
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