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par Evelyne Trân le 31 mars 2020

CAMUS

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En toute circonstances, la pensée peut devenir un instrument de lutte. Ce qui est intéressant c’est qu’on ne pense tout seul. Aujourd’hui, il est question d’un confinement imposé par une épidémie. Mais qui n’a pas connu une sensation de confinement au sein même d’une ville grouillante de vie, au travail, au métro ou dans sa propre famille. Il s’agit sans doute d’un sentiment subjectif qui se colore d’objectivité parce que tout le monde est concerné. Mais la vérité que l’on le veuille ou non, le confinement dans ses habitudes existe et il y a toujours ces contraintes auxquelles il faut se résoudre à moins d’accepter d’être traité d’asocial.

Je me souviens d’avoir vécu le monde du travail comme une punition, voire une prison parce que je me retrouvais en huis clos avec des personnes que je n’avais pas choisies, pour effectuer des tâches alimentaires routinières, insipides. Alors je me suis mise à écrire non pas en vue d’une publication mais pour moi même afin de vérifier si j’avais encore quelque chose à dire, si je pouvais résister à la sensation d’enlisement et d’étouffement qui me submergeait. Cela m’a demandé beaucoup d’efforts comme si je fouillais à l’intérieur de mon propre sol sec et aride. Il fallait que je retrouve mes racines, que j’entende pousser une pensée alors que pendant des années, j’avais arrêté de penser.

Je relate cette confidence parce qu’elle me vient à l’esprit en lisant La Peste de Camus. En cette période de confinement obligatoire beaucoup de gens entreprennent la lecture de ce texte capital de Camus.

L’œuvre de mon point de vue ne cherche d’autre écho que celle d’une voix intérieure qui au final se présente comme le témoin d’un évènement extérieur qui l’a conduit à agir et à observer les autres tout en conservant le silence sur ses propres états d’âme. Nous ne saurons qu’à la fin du « roman » qui s’énonce comme une chronique d’une épidémie foudroyante, que le narrateur n’est autre que le Docteur Rieux, qui sous le feu de l’action, n’avait pas le temps de penser à lui. Dans la vie, Camus fait penser à un personnage de roman, bel homme aimé des femmes et certainement charmeur.

Nous ne trouvons pas trace de ce personnage dans , bien évidemment. La force de Camus, c’est cette étrange empathie vis-à-vis d’humains ordinaires dont il exalte dans le détail toutes ces étincelles vouées à l’obscurité mais qui l’éblouissent par leur force d’âme.

Une force d’âme d’autant plus perceptible qu’elle fend l’obscurité, la perspective de la mort, son angoisse et concrètement sa vision. Dans ce contexte de la catastrophe, il n’est pas possible de s’appesantir sur les défauts des uns et des autres, toute présence est essentielle, toute voix et tout sentiment auraient droit de cité. Le narrateur relayé par le journal d’un autre personnage, s’attache à rapporter des comportements d’humains sans s’autoriser des jugements de valeur comme s’il les poursuivait d’un regard particulièrement attentif, comme s’il attendait d’eux une réponse à ces questions aussi intimes, aussi brûlantes que celle de la mort et la solitude.

Il s’agit sans doute pour Camus de contenir en en témoignant tout ce que peuvent offrir les humains dans le paysage de la vie quand tous se côtoient aussi différents soient-ils et se retrouvent face aux mêmes bonheurs, aux mêmes espérances, aux mêmes malheurs.

« Comment auraient-ils pensé à la peste qui supprime l’avenir, les déplacements et les discussions ? Ils se croyaient libres et personne ne sera jamais libre tant qu’il y aura des fléaux ».

Camus s’est beaucoup documenté sur l’épidémie de la peste qui est une représentation parmi d’autres des fléaux qui menacent l’humanité. En exergue à cette chronique fictionnelle, il a pris soin de rapporter une pensée de Daniel DE FOE : « Il est aussi raisonnable de représenter une espèce d’emprisonnement par une autre que de représenter n’importe quelle chose qui existe réellement par quelque chose qui n’existe pas ».

La Peste publiée au lendemain de la 2ème guerre mondiale a eu un succès immédiat. Camus ne s’y attendait pas. Il fait part à ses amis de ses difficultés et de ses doutes pour achever cette œuvre qu’il a projetée 6 ans plus tôt.

Qui mieux pourtant que Camus peut exprimer ses intentions. Dans une réponse à une lettre critique de Roland Barthes, il dit :
« La Peste dont j’ai voulu qu’elle se lise sur plusieurs portées, a cependant comme contenu évident la lutte de la résistance européenne contre le nazisme… Ajoutons qu’un long passage de La Peste a été publié sous l’Occupation dans un recueil de combat et que cette circonstance à elle seule justifierait al transposition que j’ai opérée. La Peste, dans un sens, est plus qu’une chronique de résistance. Mais assurément, elle n’est pas moins ».

Camus est tout entier dans cette œuvre où son idéal humaniste s’exprime à fleur de peau comme s’il était pénétré d’un sentiment d’urgence et d’une douleur fraternelle à l’épicentre de son engagement et de ses questionnements sur la nature humaine.

Si le cœur vous en dit, lisez ou relisez La Peste, qui devrait forcément vous éclairer au-delà de vos attentes.

Eze, le 25 Mars 2020

Evelyne Trân
PAR : Evelyne Trân
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